L’utilisation non autorisée d’images de choses ou de personnes fait courir à l’utilisateur le risque d’être condamné civilement et pénalement. De plus, la qualité de fonctionnaire peut être perdue à l’occasion d’une condamnation.
L’article 9 du Code civil stipule :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée (loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens).
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
L’usage, sans son autorisation, de l’image d’une personne dans le cadre de sa vie privée peut donc entraîner la mise en cause de la responsabilité de l’utilisateur.
Il faut pour cela que la preuve de l’existence d’un préjudice constitutif d’une atteinte à la vie privée soit faite.
La condamnation peut recouvrir la forme de dommages et intérêts, de saisie des biens incriminés, de publication judiciaire dans un organe de presse.
Si l’usage fait apparaître en plus une intention de nuire, l’affaire sera alors traitée au pénal.
Concernant les images considérées en tant qu’œuvres, l’usage non autorisé constitutif du délit de contrefaçon peut entraîner la condamnation de la personne morale et/ou physique au versement de dommages et intérêts.
L’intention de nuire n’est pas obligatoirement nécessaire à la pénalisation d’une atteinte à l’image d’une personne.
L’article 1382 du Code civil prévoit : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »
Cet article peut être invoqué par toute victime d’un préjudice quelles que soient les circonstances, toutefois, pour obtenir réparation, la victime doit apporter la preuve de trois éléments :
la faute ;
le dommage ;
le lien de causalité
La faute lourde est la faute commise avec intention de nuire.
L’usage de l’image d’une personne avec intention de nuire est donc passible de plusieurs sanctions pénales :
article 226-1 : un an d’emprisonnement et 45 000,00 euros d’amende pour atteinte
à la vie privée en fixant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de
celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ;
article 226-2 : un an d’emprisonnement et 45 000,00 euros d’amende pour
conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou
utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu
dans les conditions prévues à l’article 226-1 du Code pénal ; si l’infraction
est commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la détermination du
responsable se fait en application de la loi de 1881 sur la presse ;
article 226-8 : un an d’emprisonnement et 15 000,00 euros d’amende pour
publication, par quelque voie que ce soit, d’un montage réalisé avec les paroles
ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à
l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait
mention ; si l’infraction est commise par voie de presse et/ou audiovisuelle, la
détermination du responsable se fait en application de la loi de 1881 sur la
presse.
Pour les personnes présumées innocentes dont une image serait diffusée alors qu’elles sont menottées, la peine encourue est de 15 000,00 € d’amende (art. 35 ter I de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse).
Pour les victimes d’attentat dont il aurait été porté atteinte à la dignité, la peine encourue est de 15 000,00 € d’amende (art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse).
De plus, la loi informatique et liberté 78-17 du 6 janvier 1978 réprime fortement l’usage illégal de données nominatives tant sur fichier informatique que sur fichier mécanographique, ainsi que leurs divulgations lorsqu’elle porte atteinte aux personnes (peines de 5 ans de prison et de 300 000,00 € d’amende ; article 226-17 et suivants du code pénal).
Tout acte de représentation ou de reproduction d’une oeuvre, sans l'accord des auteurs ou de leurs ayants droit, est illicite et constitue le délit de contrefaçon, délit pénal sévèrement réprimé (cf. les articles L. 335.2 et suivants du CPI).
Les sanctions encourues sont précisées dans les mêmes articles : « La contrefaçon en France est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000,00 euros d'amende », sans préjudice d'éventuels dommages et intérêts.
Peuvent ainsi être engagées, suivant les cas de l’espèce, aussi bien la responsabilité pénale personnelle des agents mis en cause que la responsabilité pénale des personnes morales (art. 226-7 du Code pénal).
La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose en son article 24 :
« La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte:
1° de l'admission à la retraite;
2° de la démission régulièrement acceptée;
3° du licenciement;
4° de la révocation.
La perte de la nationalité française, la déchéance des droits civiques, l'interdiction par décision de justice d'exercer un emploi public et la non réintégration à l'issue d'une période de disponibilité produisent les mêmes effets. Toutefois, l'intéressé peut solliciter auprès de l'autorité ayant pouvoir de nomination, qui recueille l'avis de la commission administrative paritaire, sa réintégration à l'issue de la période de privation des droits civiques ou de la période d'interdiction d'exercer un emploi public ou en cas de réintégration dans la nationalité française. »
Suivant l’infraction commise par l’agent public dans le cadre de ses fonctions à l’occasion de l’usage d’images de choses ou de personnes, en particulier si l’acte a porté atteinte à la mission de service public confiée par l’Etat, et a été diffamatoire, le juge peut appliquer les dispositions de l’article 226-31 du Code pénal (privation des droits civiques, interdiction d’exercer un emploi public).
Les affaires portées devant les tribunaux sont nombreuses, aussi la connaissance des règles applicables en matière de droit à l’image et de droit de l’image est indispensable au développement de réflexes et de pratiques professionnelles.
Le droit à l’image est un droit qui s’est développé récemment, sous l’influence du développement d’une conception consumériste de la société par les individus qui la composent dans les pays occidentaux. Tout devient monnayable, y compris ce qui juridiquement a été conçu pour ne pas l’être.
La conception française du droit de la personne est fondée sur une intangibilité de celle-ci. Les éléments constitutifs de la personnalité ne doivent pas être altérés par quoi que ce soit, non plus par la volonté de la personne qui en bénéficie.
Cette conception de principe du Code civil s’est heurtée cependant à la réalité et les droits attachés à la personne sont en réalité organisés par ce même code en droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux.
La garantie de ces droits, protégés dans le cadre de la vie privée, varie cependant selon l’importance donnée aux éléments constitutifs de la personnalité.
La personnalité d’un individu est constituée d’éléments juridiques qui doivent permettre de dégager l’originalité d’un individu, ce qui permet de le différencier à coup sûr de ses congénères. Toutes les caractéristiques de la personnalité ne sont cependant pas protégées par le droit.
En France, le nom est certainement l’élément fondateur de la personnalité. Accolé au prénom, voire aux prénoms, il définit l’identité de l’individu, celle-ci pouvant être précisée par des éléments physiques : taille, couleur des yeux, signes distinctifs (grains de beauté, taches cutanées, handicaps, …).
Cependant, le nom et le ou les prénoms ne suffisent pas à définir la personnalité.
Un surnom peut être un élément constitutif de la personnalité, et peut, après un certain temps, se substituer au nom, quand l’usage a fait oublier ce dernier (cf artistes utilisant des pseudonymes).
Le nom est acquis par donation du père traditionnellement quand l’enfant a été reconnu. La perte du nom de la mère a entraîné une raréfaction des noms en France, d’où un problème croissant d’identification des personnes par multiplication des cas d’homonymie. C’est pourquoi le législateur a adopté une loi en 2002 visant à permettre aux parents de choisir le nom que portera l’enfant entre celui du père et celui de la mère, l’enfant lui-même ayant possibilité à sa majorité de choisir lequel des deux noms il souhaite conserver.
Il faut garder à l’esprit que le nom n’est pas forcément le moyen unique d’identification de l’individu. Certains systèmes tribaux privilégient l’appartenance au groupe sur l’identité de l’individu. L’identité individuelle est alors confondue avec celle du groupe, de la tribu. L’individu est réputé acquérir au cours de son existence les caractéristiques du groupe d’appartenance.
De même, l’identification d’un individu peut se faire au travers de marques corporelles (scarifications, brûlures, peintures, bijoux) permettant d’identifier au sein du groupe sa famille d’appartenance, voire son métier ou son rang dans la fratrie.
Outre le nom, la voix, les empreintes digitales de l’individu sont des éléments caractéristiques de sa personnalité protégés par le droit. Ces caractéristiques physiques sont devenues protégeables grâce aux progrès techniques, aux biotechnologies, qui ouvrent la voie à la découverte de nouveaux attributs de la personnalité que le droit peut s’approprier : iris de l’œil, oreilles, caractéristiques du visage.
Au sens commun, la personnalité d’un individu ne se résume pas à son nom ou à ses caractéristiques physiques mesurables par des appareils scientifiques.
Ainsi, l’image que va vouloir renvoyer un individu peut être considérée comme un élément de sa personnalité : untel portera presque toujours une chemise blanche largement ouverte, d’autres ne se vêtiront que de bleu ou de rose.
Si ces caractéristiques sont facilement identifiables par le commun des mortels, elles ne sont cependant pas des éléments constitutifs de la personnalité au sens juridique. Elles sont des éléments extérieurs à l’individu, à sa substantifique moelle, à son essence. Ces éléments sont modifiables, et ne constituent qu’une apparence, qui, si elle est caractéristique, n’en demeure pas moins étrangère à la notion de personnalité, fondement du droit à l’image.
Le droit à l’image s’applique non pas à la défense physique de la personne, mais à la défense d’une des caractéristiques attachées à cette personne, son image. Avant d’étudier le cadre dans lequel cette image est protégée, il convient de définir les caractéristiques des droits de la personnalité.
La conception française du droit de la personnalité est, à la base, fondée sur des principes intangibles et veut détacher la personne de certaines réalités. Le droit établi par le Code civil vise essentiellement à protéger l’individu dans son essence même.
Le caractère extrapatrimonial des droits attachés à la personne se concrétise par trois principes.
Tout d’abord, le droit de la personnalité interdit quelque valorisation marchande de ce droit. Le nom, l’identité de la personne, n’a, en principe, pas de prix !
Ensuite, les droits de la personnalité sont incessibles. Nul ne peut céder son identité.
Enfin, les droits de la personnalité sont intransmissibles. Nul ne peut transmettre son identité.
De même, et sans avoir recours à la prospective, que deviendrait un individu qui pourrait céder ses noms et prénoms, voire ses caractéristiques physiques à un tiers ? Quelle serait son identité ? Son unicité ?
Certes, un individu peut toujours, par sa réussite commerciale, faire de son nom une marque commerciale, et négocier cette dernière. Mais la vente d’une marque commerciale ne dépossède pas un individu des éléments juridiques de sa personnalité.
Si le Code civil a, sans le vouloir, anticipé sur les bouleversements éthiques que nous vivons aujourd’hui, il a aussi tenu compte de la nature humaine qui s’arrange toujours difficilement des principes fondamentaux et éthiques qui freine son esprit d’entreprise.
Si le fondement du droit de la personnalité est extrapatrimonial, la réalité fait que l’identité d’un individu est tout à fait monnayable en fonction de sa notoriété, de son habileté professionnelle, de la reconnaissance, justifiée ou non, d’un certain public.
En fonction de ces critères, une valorisation commerciale des attributs de la personnalité est toujours envisageable, sans que l’individu soit dépossédé de son identité. La valorisation du nom est fréquente, que ce soit au travers de la création de marques (vêtements, articles de sports) ou par valorisation de la valeur marchande attachée ou supposée attachée à un patronyme.
Outre la valorisation commerciale directe, la mise en place de politique de contrôle des attributs de la personnalité par certains individus qui y ont intérêt participe de cette tendance à la marchandisation de la personne : contrôle du droit d’usage de l’image, contrôle de l’exploitation commerciale, publicitaire d’une ou de toutes les composantes de la personnalité.
Si chaque individu possède, dès sa naissance, tous les attributs de la personnalité, et est de fait l’égal juridique des autres individus, l’étendue de la protection accordée à ces droits varie d’un individu à l’autre et également selon les circonstances d’exercice de ces droits.
Le droit à l’image, à « son » image, est un droit protégé par le Code civil et le Code pénal. Cependant, cette protection est d’étendue variable, en fonction du cas d’espèce.
L’article 9 du Code civil prescrit :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
La première condition que pose le Code civil est que l’atteinte soit portée à la vie privée de l’individu. En d’autres termes, une image captée dans le cadre de la vie publique ne peut porter préjudice à quiconque.
Cependant, la vie privée et la vie publique ne sont pas strictement séparées pour qui que ce soit. Le juge, appréciant les cas qui lui sont soumis toujours in concreto, doit donc définir pour chaque espèce ce qui relève de la vie privée et/ou de la vie publique. Il ne suffit pas en effet d’être dans un lieu public pour que toute image puisse être captée, non plus que dans un lieu privé pour interdire cette captation d’image.
Le Code civil pose ensuite deux conditions :
il faut qu’un dommage soit subi ;
il faut que soit portée atteinte non seulement à la vie privée, mais surtout à
l’intimité de la vie privée.
Concernant le dommage, il est généralement constitué par une atteinte morale, un préjudice moral. Son appréciation, qui va déterminer en grande partie le montant des dommages et intérêts et la peine éventuellement infligée en cas d’intention de nuire de la part de l’auteur, ne peut être effectuée que par le juge, qui doit évaluer cela en son âme et conscience et en « bon père de famille », en fonction des évolutions de la société.
L’atteinte doit ensuite porter sur l’intimité de la vie privée. Il faut donc que le préjudice porte sur une situation habituellement réservée au cadre privé, cachée, secrète, qu’il « endommage » en quelque sorte la continuation de la vie privée, qu’il mette en péril le déroulement normal de la vie de la victime.
Cette atteinte à un droit essentiellement moral, donc détaché des choses réelles, implique une certaine subjectivité dans l’appréciation de l’atteinte.
Cette subjectivité peut laisser penser que la protection de l’image est réservée à une minorité dont l’essentiel des revenus provient de la commercialisation de son image.
L’évaluation par le juge du préjudice subi par celui ou celle dont l’image, dans l’intimité de la vie privée, est atteinte, va porter principalement sur le préjudice moral subi, bien qu’un préjudice matériel puisse exister.
Ainsi, une riche héritière prise en photographie à son insu et sans son autorisation, alors qu’elle participait à une manifestation en 1968, dont l’image a fait la une d’un journal à la même époque, a de ce fait perdu son héritage. Elle a attaqué le journal et a évalué son préjudice à l’aune de l’héritage escompté.
Les gens célèbres peuvent apparaître comme les utilisateurs privilégiés de l’article 9 du Code civil, usage matérialisant la rançon de la gloire. Cependant, les personnages publics ne sont pas obligatoirement avantagés par leur notoriété, comme on pourrait facilement le penser. En effet, celle-ci peut entraîner une réduction de la sphère de la vie privée, et l’attitude de la victime célèbre jouera alors aux yeux du juge un rôle primordial.
S’il ne suffit pas d’être dans la rue pour être dans sa vie publique, il ne suffit pas non plus d’être dans sa maison ou son bureau pour être dans sa vie privée, dans son intimité.
Les hommes politiques voient, au nom du droit à l’information (Loi du 1 er juillet 1881 modifiée dite Loi sur la liberté de la presse), la captation de leur image autorisée dès lors qu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions, qu’ils prononcent un discours, que cette captation soit effectuée dans les lieux publics ou dans des lieux dits privés.
La captation et la diffusion de l’image d’un couple d’amoureux célèbres dans la rue, a fortiori si leur relation est secrète ou inconnue de leurs conjoints respectifs, sans leur autorisation, relève du viol de leur vie privée. Mais s’ils se tiennent par la main lors d’une fête sur la Côte d’Azur, sachant qu’ils sont exposés aux objectifs de journalistes, même sans autorisation, la diffusion de leur image ne portera pas préjudice. Il en est de même pour un couple d’animateurs vedettes de chaînes de télévision commerciales dont les photographies de la vie privée, publiées avec leur autorisation par un journal, sont à nouveau publiées par un autre journal quelques temps après sans leur autorisation. Le second journal n’est pas fautif, les prétendues victimes ayant déjà autorisé que deviennent publics quelques moments de leur intimité.
Le juge doit donc dans ces cas d’exploitation de l’image de célébrités concilier en permanence deux principes fondamentaux, le droit au respect de la vie privée et le droit à l’information. En effet, compte tenu des sommes accordées par la juridiction judiciaire au titre des dommages et intérêts, certains peuvent avoir envie de mener une véritable politique de contrôle de leur image, afin de se créer des rentes rémunératrices, parfois incompatibles avec le droit à l’information.
Peut-on, cependant, au nom de ce dernier principe tout se permettre ? Tout n’est-il pas information ? Que devient le droit du journaliste d’investigation face au droit au respect de l’intimité de la vie privée ?
La loi Guigou de 2000 (loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes modifiée par la loi no 2002-307 du 4 mars 2002) a tranché pour certains cas délicats concernant les victimes d’attentat et les personnes engagées dans des procédures judiciaires et présumées innocentes en amendant la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Pour les présumés innocents, aucune photo avec menottes avant condamnation n’est autorisée (art. 35 ter I de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse, peine de 15 000,00 € d’amende).
Pour les victimes d’attentat (art. 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 dite loi sur la liberté de la presse, peine de 15 000,00 € d’amende), il s’agit d’éviter que ne soient exposées à la vue de tous les personnes en position d’affaiblissement, en position d’infériorité du fait de leurs blessures. Le droit a hésité entre la préservation du droit à l’information (un des arguments des journalistes et photoreporters était qu’il fallait montrer toute l’horreur des attentats pour informer les lecteurs et dissuader les éventuels candidats poseurs de bombes) et la préservation de la vie privée des victimes, touchées au plus profond de leur intimité physique.
La loi du 29 juillet 1881 a tranché, en interdisant la prise et la diffusion d’images portant atteinte à la dignité des personnes. Mais la jurisprudence continue d’hésiter entre les deux principes, privilégiant tantôt l’un, tantôt l’autre, les victimes elles-mêmes étant parfois hésitantes entre leur volonté de se préserver et leur besoin de s’exposer pour montrer les conséquences de ces actes horribles.
Le 16 juillet 2003, une proposition de loi visant à donner un cadre juridique au droit à l'image et à concilier ce dernier avec la liberté d'expression présentée par MM. Patrick BLOCHE et Jean-Marc AYRAULT a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale. Cette proposition tendait à inverser la logique du Code civil en autorisant l’usage de l’image des personnes et des biens tant que cela ne leur porte pas préjudice. L’article 9 du Code civil était amendé par un article 9-2 disposant que :
«Chacun a un droit à l'image sur sa personne. Le droit à l'image d'une personne est le droit que chacun possède sur la reproduction ou l'utilisation de sa propre image. L'image d'une personne peut toutefois être reproduite ou utilisée dès lors qu'il n'en résulte aucun préjudice réel et sérieux pour celle-ci. »
Transposé dans le domaine des biens, la proposition créerait également un article 544-1 du Code civil qui disposerait :
« Chacun a droit au respect de l'image des biens dont il est propriétaire. Toutefois, la responsabilité de l'utilisateur de l'image du bien d'autrui ne saurait être engagée en l'absence de trouble causé par cette utilisation au propriétaire de ce bien. »
Cet amendement n’a pas été retenu lors de la réforme de 2006 portant sur le droit d’auteur. Elle montre cependant bien la lutte existant entre les tenants d’un droit absolu à l’information et les défenseurs de la protection de l’individu et de sa propriété.
Les mineurs voient leur droit à l’image géré par leurs parents ou tuteur. Afin de prévenir tout contentieux, la prise de vue de mineurs doit donc être précédée d’une demande d’autorisation aux parents qui précise le cadre dans lequel l’image de leur enfant sera utilisée (lieu, durée, modalité de présentation, de diffusion, support).
Il faut en effet éviter de prêter le flan à une exploitation illicite de ces images par captation sur un site web.
Il faut également se prémunir contre des accusations de travail de mineur : à cette fin, il faut éviter toute rémunération, sous quelque forme que ce soit, du travail des élèves durant les prises de vue qui peuvent être effectuées. L’activité rémunérée des mineurs est réglementée très précisément par le Code du Travail.
Pour les adultes, il en est de même.
En matière de stockage de fichiers informatiques de données personnelles, une déclaration à la CNIL doit être effectuée, et un droit d’accès des personnes y figurant organisé.
En filigrane de ces propos est apparue la notion d’autorisation de l’usage de l’image d’une personne, qui est le principe fondateur du droit de l’image.
Le droit de l’image est très proche du droit à l’image en ce qu’il suppose, pour tout usage d’une image, l’autorisation de l’auteur. Ainsi, le droit à l’image est aussi régi par le Code de la Propriété intellectuelle, qui s’attache à définir les garanties offertes aux œuvres et à leurs auteurs. Loin d’être antinomique, le droit à l’image et le droit de l’image sont étroitement liés par des règles complémentaires.
Avant d’engager le propos, il convient de définir la notion d’œuvre au sens du Code de la Propriété intellectuelle et artistique, l’image, quelle qu’elle soit, étant considérée d’un point de vue juridique comme une œuvre.
Au terme de l’article L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, une œuvre est une création originale qui reflète la personnalité de son auteur, une activité créatrice propre. Peu importe donc la qualité de l’œuvre, sa forme, pourvu qu’elle soit représentative de l’essence de l’auteur, celle-ci pouvant être entendue de manière très large. L’œuvre peut être une œuvre littéraire, graphique, musicale, une image, une photographie, un article de presse, un logo, un logiciel, une documentation technique, un écrit scientifique, un cours, une publicité, une œuvre architecturale…
L’œuvre peut être une création individuelle ou résulter de contributions de plusieurs auteurs :
de collaboration : plusieurs personnes physiques concourent à son élaboration ;
composite : œuvre à laquelle est incorporée une œuvre préexistante ;
collective : réalisée sous le nom d’une personne morale ou physique par divers
auteurs sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct
sur l’ensemble réalisé.
Le droit d’auteur est défini par l’article L 111-1 du Code de la Propriété intellectuelle. C’est un droit de propriété composé d’attributs d’ordre intellectuel et moral et d’ordre patrimonial, sans qu’aucune hiérarchie n’existe entre ces deux ordres. De là découlent un certain nombre de caractéristiques qui protègent fortement l’auteur et son œuvre.
Le droit d’auteur est un droit :
intellectuel : il s’attache à toute œuvre de l’esprit, quelles qu’en soit la
forme, le genre, la destination ;
indépendant de la propriété de l’œuvre : l’auteur possède pendant toute la durée
de vie de l’œuvre un droit de regard sur celle-ci ;
exclusif : seul l’auteur est en possession de ce droit moral sur l’œuvre ;
patrimonial : outre le droit moral, l’auteur a le droit de disposer de l’œuvre
et d’en autoriser certaines exploitations ;
opposable à tous : ce droit peut être opposé à toute personne morale ou
physique, de droit privé ou public.
La qualité d’auteur n’est pas acquise par la possession d’une œuvre. N’est pas auteur qui veut.
A cette qualité d’auteur vont s’attacher des droits moraux et des droits patrimoniaux.
Aucune formalité n’est exigée pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur. La création de l’œuvre suffit pour qu’elle soit protégée. Cependant, cette protection ne peut se traduire dans les faits que par la détermination de son auteur.
« La qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » (art. L 113-1 CPI).
La qualité d’auteur revient donc à celui ou celle qui se fait le premier connaître en tant que tel. Celui-ci bénéficie d’une présomption que seule une preuve contraire juridiquement valable peut détruire. La facilité d’acquisition de la présomption conduit à favoriser la divulgation des œuvres, mais pose évidemment le problème de la fourniture d’une preuve contraire et de sa véracité, qui souvent ne pourra être démontrer qu’à dire d’expert, ou parfois ne pourra exister lorsqu’on aura affaire à des œuvres éphémères.
Le Code de la Propriété intellectuelle a défini, pour certains types d’œuvres, quels étaient les créateurs considérés comme des auteurs.
Pour les œuvres audiovisuelles, sont présumés auteurs (art. L 113-7 CPI) :
l’auteur du scénario ;
l’auteur de l’adaptation ;
l’auteur du texte parlé ;
l’auteur des compositions musicales avec ou sans parole réalisées pour l’œuvre ;
le réalisateur ;
les auteurs de l’œuvre originaire quand l’œuvre créée est tirée d’une œuvre
préexistante.
Pour les œuvres radiophoniques, sont auteurs la ou les personnes physiques qui assurent la création intellectuelle de cette œuvre (art. L 113-8 CPI).
Pour les logiciels, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans le cadre de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur (art. L 113-9 CPI), sauf dispositions contractuelles contraires.
En ce qui concerne les agents de la fonction publique, la loi 83-63 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que l’agent public consacre tout son temps de travail à sa mission.
Cependant, la situation de l’agent public auteur a été réglée différemment avant 2006 et après 2006.
En application d’un avis du Conseil d’Etat « OFRATEME » du 21 novembre 1972, toute création de l’agent public dans le cadre de la mission de service public voit les droits qui lui sont attachés dévolus à l’Administration.
Cependant, ce principe connaît des exceptions et des tolérances. Ainsi, les enseignants du supérieur bénéficient d’une exception, les cours qu’ils professent, édités sous forme d’ouvrage, échappent à la règle de la dévolution des droits à l’administration. Cependant, si la création intervient dans le cadre de la mission de l’enseignant qui n’est pas en situation de face-à-face pédagogique avec des apprenants, cette dévolution est totale.
Un avis du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique de juin 2002 avait proposé au Gouvernement de régler cette situation, source de conflit et créant une inégalité entre les créateurs du secteur public et du secteur privé, en prévoyant le maintien du droit moral au créateur, la dévolution des droits patrimoniaux à l’Administration pour une exploitation de l’œuvre dans le cadre de la mission de service public, et une rémunération de l’auteur en cas d’exploitation commerciale de l’œuvre en dehors de la mission de service public.
Cet avis a donné lieu à un projet de loi promulgué en juillet 2006.
La loi 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’informationa introduit dans le Code de la Propriété intellectuelle un titre II intitulé « Droit d’auteur des agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics à caractère administratif. ».
L’article L 111-1 du CPI a été amendé. L’auteur agent public se voit reconnaître, quel que soit son lien avec la personne publique qui l’emploie, la titularité des droits d’auteur sur son œuvre. Par ailleurs, la titularité de leurs droits leur est garantie dès lors que leur création ne dépend pas de la personne publique qui les emploie.
Cette reconnaissance est cependant tempérée par la règle s’attachant au droit de divulgation de l’agent public créateur. En effet, dès lors que la création se fait dans le cadre de la mission de service public, le droit de divulgation ne peut s’exercer que dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique.
Autrement dit, l’agent ne peut refuser à son employeur d’effectuer la divulgation de l’œuvre, il ne maîtrise donc pas ce droit moral.
L’agent ne peut non plus s’opposer à la modification de l’œuvre décidée dans l’intérêt du service par l’autorité investie du pouvoir hiérarchique, dès lors que cela ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation.
L’agent ne peut non plus exercer son droit de repentir ou de retrait, sauf accord de l’autorité investie du pouvoir hiérarchique.
Le droit patrimonial de l’agent créateur est également aménagé par rapport aux règles de droit commun.
L’exploitation de l’œuvre par l’Etat strictement dans le cadre de la mission de service publique est autorisée par l’article L 131-1 du CPI : les droits patrimoniaux sont dévolus à l’Etat dès la création de l’œuvre.
Dans le cadre d’une exploitation commerciale, l’Etat ne dispose que d’un droit de préférence, que l’agent peut lui refuser. Cela laisse entendre que l’agent devra alors autoriser l’Etat à une utilisation seconde de son œuvre, en dehors de la mission de service public, et qu’il devra en conséquence être rémunéré pour cette exploitation conformément aux règles de droit commun.
Cette réforme a donc ramené l’agent public créateur dans le droit commun, tout en aménageant largement un régime spécifique devant permettre à l’Etat de continuer sa mission.
Après avoir défini la qualité d’auteur, il faut connaître les droits moraux et patrimoniaux dont il dispose.
Les droits moraux attributs du droit d’auteur sont perpétuels et inaliénables. Seul l’auteur, et à sa mort ses héritiers, peuvent revendiquer l’exercice de ces droits.
Imprescriptible, le droit moral du droit d’auteur est transmissible à cause de mort aux héritiers légitimes ou à des tiers par testament. Ainsi Charles TRENET a-t-il pu transmettre ses droits à un ami.
L’exercice des droits se fait, sauf dispositions contraires de l’auteur :
par l’auteur durant sa vie et jusqu’à sa mort ;
par les descendants ;
par le conjoint non séparé de corps ni remarié ;
par les héritiers autres que les descendants ;
par les exécuteurs testamentaires durant leur vie ;
par les légataires universels ;
en dernier recours, le Ministère chargé de la Culture peut l’exercer.
Le droit moral du droit d’auteur recouvre :
le droit de première divulgation (art. L 121-2 CPI) : l’auteur est le seul à
pouvoir rendre public l’œuvre et autoriser son exploitation, à déterminer le
procédé de divulgation et fixer les conditions de divulgation ;
le droit au respect de son nom et de sa qualité pour toute utilisation publique
d’une œuvre, même dans l’hypothèse où l’auteur a cédé ses droits d’exploitation
à un tiers ;
le droit au respect de l’œuvre : respect de l’intégrité de l’œuvre, qui permet
d’éviter toute dénaturation, modification, mutilation ou sortie de contexte. La
superposition d’un logo lors de la diffusion d’un film est considérée comme une
dénaturation de l’œuvre, de même qu’une colorisation non autorisée.
le droit de retrait ou de repentir (art. L 121-4 CPI), pendant du droit à
première divulgation, qui parachève le pouvoir de l’auteur sur son œuvre.
Les droits patrimoniaux constitués par le droit d’exploitation, attachés à l’œuvre, sont au nombre de deux :
le droit de représentation (art. L 122-2 CPI) : il s’agit de la communication de
l’œuvre au public par un procédé quelconque ;
le droit de reproduction (art. L 122-3 CPI) : il s’agit de la fixation
matérielle de l’œuvre par quelque procédé que ce soit qui permette la
communication au public de l’œuvre de manière indirecte.
Ces deux droits ne peuvent s’exercer sans autorisation expresse et écrite de l’auteur délivrée à un tiers. Ces autorisations doivent être les plus précises possibles (cf art. 131-3 du CPI), indiquant toujours la durée de l’autorisation, le territoire sur lequel elle s’exerce (France, Europe, monde entier par exemple), les moyens techniques utilisés (exposition, diffusion par voie hertzienne, satellitaire ou câble par exemple, VHS, CDROM, DVD). L’oubli de la mention d’un de ces éléments en interdit l’utilisation ou l’exploitation dans la zone.
Il n’existe pas de cession implicite.
Ce droit, très simple, d’où son efficacité, renforcée par une interprétation stricte des juridictions, supporte cependant des exceptions en droit français.
L’article L 122-4 du Code de la Propriété intellectuelle prévoit qu’est illicite toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, traduction, adaptation, transformation, arrangement d’une œuvre réalisée sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit (héritiers et cessionnaires des droits d’auteur comme les éditeurs ou producteurs, ou les sociétés de gestion des droits d’auteur).
Cet absolutisme est cependant tempéré par l’article L 122-5 du Code de la Propriété intellectuelle qui prévoit les exceptions au principe. L’auteur ne peut interdire :
les représentations privées et gratuites dans un cercle de famille ;
les copies ou reproductions à usage privé ;
les courtes citations et analyses avec citation de l’auteur et de la source ;
les revues de presse ;
la diffusion même intégrale (presse et télédiffusion) des discours au public des
assemblées politiques ;
les reproductions d’œuvres d’art graphique ou plastique dans les catalogues
judiciaires ;
la parodie, le pastiche ou la caricature
la représentation ou la reproduction d’extrait d’œuvres, sous réserve des œuvres
à finalité pédagogique, des partitions de musiques, des éditions écrites
numériques, à fin d’illustration de l’enseignement scolaire,
la reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire,
devant permettre l’utilisation licite de l’œuvre, à l’exception des bases de
données et des logiciels,
la reproduction et la représentation par des personnes morales et par des
établissements ouverts au public (bibliothèque, archives, centre de
documentation et espaces culturels multimédia, pouvant démontrer une activité de
création pour la mise à disposition des personnes handicapées), en vue d’une
consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes
d’une ou plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles,
mentales, cognitives ou psychiques,
la reproduction d’une œuvre effectuée à des fins de conservation ou destinée à
préserver les conditions de sa consultation sur place par des bibliothèques, des
musées, des services d’archives, sous réserve qu’il n’y ait aucune recherche
d’un quelconque avantage économique,
la reproduction ou la représentation intégrale ou partielle dans un but exclusif
d’information immédiate, sus réserve d’en citer l’auteur, à l’exception des
œuvres visant elles-mêmes à rendre compte de l’information (photographie,
illustration).
Il serait erroné de penser que ces exceptions permettent de déroger quasi systématiquement à la règle de base posée par l’article L 122-4 du Code de la Propriété intellectuelle.
En effet, le juge a une interprétation très stricte des possibilités de dérogation au principe de l’autorisation écrite préalable et expresse.
Au terme de la jurisprudence actuelle, le cercle de famille est limité aux parents, enfants et ascendants ou personnes ayant des liens de fréquentations habituelles. Dès lors que l’on excède ce cadre, le juge considère que l’on se situe dans une séance publique.
De même, l’usage privé est strictement personnel ou étendu au cercle de famille.
Les courtes citations s’apprécient en considération des œuvres de départ et de leur place dans l’œuvre où elles sont insérées. La citation ne peut être effectuée que dans le cadre d’un commentaire plus général de l’œuvre ou dans le cadre d’un commentaire comparatif.
L’utilisation partielle d’une œuvre d’art graphique (dont la photographie fait partie) ou plastique doit être autorisée car elle peut constituer une dénaturation de l’œuvre, donc le délit de contrefaçon passible d’une peine de deux ans de prison et de 150 000,00 € d’amende.
S’agissant de la revue de presse, celle-ci n’est pas une collection d’articles de presse. Ce type de document, qu’il soit relié ou sous forme numérique, relève du panorama de presse, donc du droit de copie.
La revue de presse est un commentaire argumenté et comparatif d’articles de journaux, qui ne suppose que de très courtes citations d’articles ou de titres de presse.
Enfin, la loi de 2006 a explicitement exprimé que les exceptions au droit d’auteur ne pouvaient porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitime de l’auteur.
Elle applique également ces exceptions aux droits voisins du droit d’auteur, aux logiciels et bases de données.
Avant de clore ce paragraphe consacré aux droits attachés à l’auteur, il convient d’apporter quelques précisions concernant les droits des logiciels et des bases de données.
Le cas des logiciels et des bases de données a été traité récemment par le législateur qui souhaitait apporter une réponse claire quant à la titularité des droits des produits d’un secteur marchand en pleine expansion.
Comme nous l’avons vu plus haut (cf III – 2.1.1), l’employeur se voit titulaire des droits patrimoniaux attachés aux logiciels créés par ses employés. Il possède donc le droit à la reconnaissance de paternité du logiciel, le droit à première divulgation, le droit d’exploitation.
La base de données elle-même peut être considérée comme une œuvre protégée par le droit d’auteur. Mais même en l’absence d’originalité, un droit d’essence économique est reconnu au producteur de base de données au titre de ses investissements.
L’utilisateur a droit à adapter le produit si cela est nécessaire à son utilisation, tant que cette adaptation ne touche pas la structure du produit ni des éléments substantiels de ce produit.
Le droit d’exploitation se concrétise par l’octroi d’une licence à l’acheteur.
Une licence classique comporte les éléments suivants :
possibilité d’effectuer des copies de sauvegarde
possibilité d’effectuer une diffusion limitée du produit, nécessaire à son
utilisation par l’acheteur ou son représentant ;
les modifications apportées au produit sont subordonnées à un accord du
producteur de base de données ;
le code source n’est ni cédé ni accessible à l’acheteur.
Le Ministère de la Jeunesse, de l‘Education nationale et de la Recherche tend à promouvoir la diffusion de logiciels dits libres de droits. Ces logiciels sont accessibles librement par le net ou vendus par des éditeurs qui les accompagnent de services avec une licence particulière, qui autorise :
la copie ;
la diffusion ;
les modifications par transmission à l’acquéreur du code source.
Le terme de « libres de droits » reste cependant quelque peu abusif d’un point de vue juridique, ces logiciels étant régis par des licences d’utilisation, donc des droits, et cette « liberté » ne s’exerce que dans le cadre ainsi défini.
De plus, cette « liberté » ne signifie aucunement gratuité, les produits affichés comme étant libres de droit pouvant être vendus soit directement à l’utilisateur ou au département ministériel souhaitant développer son usage.
Enfin, la liberté d’usage affichée par certains sites web (que ce soit pour des logiciels, des images) ne vaut que si le ou les auteurs fournissent une autorisation originale en bonne et due forme, ceux-ci pouvant par ailleurs renoncer à toute rémunération. Les usages libres sont la plupart du temps attachés à des usages privés, les usages à but commercial n’échappant pas au versement d’une redevance.
Il convient donc d’être prudent dans l’utilisation faite des logiciels ou bases de données dits libres de droit : il faut garder à l’esprit que cette appellation constitue avant tout une politique de communication, en aucun cas la création d’une zone de non droit.
En mars 2006, le Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a conclu cinq accords avec les sociétés de gestion de droits d’auteurs portant sur les œuvres suivantes :
œuvres des arts visuels ;
œuvres cinématographiques et audiovisuelles ;
livres et musiques imprimées ;
interprétation vivante d’œuvres musicales, utilisation d’enregistrement sonore
d’œuvres musicales et de vidéomusique (musiques) ;
publications périodiques imprimées.
Ces accords ont pour finalité d’autoriser l’usage en classe, ou lors de la réalisation de travaux pédagogiques, d’extrait d’œuvres ou de reproduction d’œuvres.
A titre d’exemple, les usages autorisés sont les suivants :
œuvres des arts visuels : 20 œuvres par travail pédagogique ;
œuvres cinématographiques et audiovisuelles : 1 extrait de 6 minutes, pas plus
du dixième de la durée totale de l’œuvre, ou dans le cas de l’exploitation de
plusieurs extraits, 15 % de la durée totale de l’œuvre ;
livres et musiques imprimées : l’extrait ne peut excéder 5 pages d’un livre,
sans coupure, avec reproduction en intégralité des œuvres des arts visuels qui y
figurent, dans la limite maximum de 20 % de la pagination de l’ouvrage, par
travail pédagogique ou de recherche ; dans le cas particulier d’un manuel
scolaire, l’extrait ne peut excéder 4 pages consécutives, par travail
pédagogique ou de recherche, dans la limite de 5% de la pagination de l’ouvrage
par classe et par an ; pour ce qui concerne les oeuvres musicales visées par
l’accord : l’extrait ne peut excéder 20 % de l’œuvre musicale concernée (paroles
et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an,
dans la limite maximale de 3 pages consécutives d’une même oeuvre musicale visée
par l’accord; pour les ouvrages de formation ou d’éducation musicales et les
méthodes instrumentales, l’extrait ne peut excéder 5% d’une même oeuvre musicale
visée par l’accord (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de
recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 2 pages consécutives
d’une même oeuvre musicale visée par l’accord ;
interprétation vivante d’œuvres musicales, utilisation d’enregistrement sonore
d’œuvres musicales et de vidéomusique (musiques) : 1 extrait de 30 secondes, ou
inférieur au dixième de l’œuvre intégrale ; dans le cas d’une exploitation de
plusieurs extraits, 15 % maxi de la durée totale de l’œuvre ;
publications périodiques imprimées : possibilité de reprendre intégralement un
article, sans excéder 10% de la totalité de la pagination de la publication ; si
l’article représente plus de 10 %, il faut l’autorisation expresse de l’éditeur.
Ces extraits ne peuvent être utilisés que comme support d’une cours ou d’un travail pédagogique.
Les articles L 123-1 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle organisent la durée de protection des auteurs.
L’œuvre est protégée durant toute la vie de l’auteur, et à sa mort jusqu’au 31 décembre de l’année de décès et au-delà pour une durée de 70 ans.
Pour les oeuvres pseudonymes, anonymes ou collectives, la durée du droit exclusif est de soixante-dix années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle où l'œuvre a été publiée.
Dans le cas des œuvres de collaboration, l’année civile prise en compte est celle de la mort du dernier collaborateur vivant.
Les périodes de guerre mondiale offrent aux auteurs des possibilités de majoration du délai de protection :
de 6 ans et 28 jours pour la première guerre mondiale ;
de 8 ans et 119 jours pour la seconde guerre mondiale ;
de 30 ans si l’auteur est mort pour la France.
A ces droits propres aux auteurs, il convient d’attacher les droits voisins du droit d’auteur, dont l’utilisateur d’œuvre devra également se préoccuper avant toute action.
Les droits voisins du droit d’auteur sont des droits qui concernent les interprètes, les producteurs phonographiques, les producteurs de vidéogrammes, les diffuseurs de programmes.
L’exercice des droits voisins du droit d’auteur ne peut en aucun cas empêcher l’exercice des droits d’auteur par leurs titulaires, ni en limiter la portée.
Les droits voisins emportent des prescriptions identiques à celles du droit d’auteur pour leurs titulaires, tant au niveau de l’exercice des droits que des exceptions à cet exercice.
L’utilisateur potentiel d’une œuvre doit donc toujours s’assurer de la libération des droits de l’auteur, mais également des droits voisins qui peuvent être attachés à l’œuvre. Ainsi, une photographie portant l’image d’un immeuble clairement identifiable ne pourra être utilisée qu’avec l’accord du photographe, mais également de l’architecte et du propriétaire de l’immeuble.
Il convient donc de redoubler de prudence lors de l’utilisation d’une image.
L’artiste interprète est la personne qui représente, chante, récite, déclame joue ou exécute une œuvre littéraire ou artistique, un numéros de variétés, de cirque ou de marionnettes. Il a droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. Seul il peut autoriser la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que l’utilisation séparée de l’image et du son si cela est envisagé. Il peut par contrat autoriser un producteur à fixer, reproduire et communiquer au public sa prestation. Ces producteurs sont souvent chargés du suivi et de la gestion des droits des artistes interprètes.
Le producteur de phonogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son. L'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme.
L’artiste interprète et le producteur de phonogramme ne peuvent s’opposer à la communication de l’œuvre dans un lieu public quand elle n’est pas utilisée dans un spectacle, à sa radiodiffusion ou sa distribution par câble. Des sociétés chargées de la gestion et de la collecte des droits gèrent alors la rémunération de ces titulaires de droit voisin.
Le producteur de vidéogramme est la personne qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisées ou non. L'autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme.
La durée des droits patrimoniaux attachés aux droits voisins est de cinquante années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle :
de l'interprétation pour les artistes interprètes ;
de la première fixation d'une séquence de sons pour les producteurs de
phonogrammes et d'une séquence d'images sonorisée ou non pour les producteurs de
vidéogrammes ;
de la première communication au public des programmes visés à l'article L. 216-1
pour les entreprises de communication audiovisuelle.
Le droit d’auteur est régi par un droit simple qui tire son efficacité de cette simplicité même. Appliqué à l’usage de l’image dans le cadre éducatif et scolaire, il peut apparaître comme un frein à l’action pédagogique.
Compte tenu de l’absence d’exception pédagogique prévue au Code de la Propriété intellectuelle, il faut donc acquérir en matière pédagogique une attitude professionnelle qui tienne compte des contraintes imposées par la législation en vigueur, et des accord contractuels passés entre les sociétés de gestion de droits d’auteurs et le Ministère chargé de l’Education nationale. Cela permet à la fois de garantir l’enseignant, son établissement, le responsable juridique de l’établissement de poursuites judiciaires et pénales.
L’utilisation de l’image dans le cadre scolaire implique donc que les autorisations expresses des auteurs soient obtenues avant toute action (projection, duplication, impression).
De même, dans le cadre des travaux des élèves, l’enseignant doit se préoccuper des documents que les élèves souhaitent utiliser. La bienveillance de certains auteurs à l’égard du système éducatif tend en effet à disparaître lorsqu’il s’agit de mettre en ligne des documents comportant des images, du son, des textes, qui constituent une représentation permanente pour l’ensemble du monde.
Le prêt de vidéocassettes à usage privé est désormais régi par la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs et suppose le versement par le loueur d’une redevance. Il en est de même pour les prêts de livre en bibliothèque publique, les établissements scolaires bénéficiant cependant là d’une exception à la règle de droit commun.
Un certain nombre d’accords conclus entre des chaînes de télévision (BBC, TVE) et le Ministère de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche permettent d’avoir à disposition des images télévisées, les droits étant acquittés au niveau ministériel.
De même, le Ministère chargé de l’Education nationale met à la disposition des enseignants des programmes pédagogiques télévisuels (Côté profs, Web TV, Espaces numériques du Savoir dit